Le renflouage d'une épave

 

par Daniel Maignan


J’avais déniché il y a plus d’une quinzaine d’années cette épave de poste batteries aux puces de la Porte de Clignancourt à Paris. 
Il manquait la plupart des composants, seuls restaient le fil de câblage de section carrée, deux condensateurs variables et deux rhéostats. Côté ébénisterie, ni couvercle, ni face arrière. 
J’ai remis la main récemment au fond de ma remise sur ce fossile amplement cannibalisé, enveloppé de sa gangue, qui avait dû tremper dans le caniveau.
L’émotion m’envahit soudain, je devais sauver ce moribond! 
Je vous expose ci-dessous le récit détaillé de son sauvetage, son retour à la vie, avec la mise en œuvre de moyens de restauration tout à fait classiques qui pourront cependant rendre service.
Clichés de l’épave dans son jus, figures 1, 2 et 3.

Figure 10

Figure 1

Figure 11

Figure 2

Figure 75

Figure 3

Etablissement du schéma :

Il me fallait en premier lieu élaborer un schéma valide en partant des éléments qui subsistaient, opération cependant pas très compliquée en raison de l’abondante documentation sur ces postes à détectrice à réaction, qui, du reste, se ressemblent tous plus ou moins.
Le schéma de la figure 4 illustre cette reconstruction, avec en bleu les parties reconstituées.

Figure 4 schema 1

Figure 4

Démontage, nettoyage:

Les condensateurs variables, les rhéostats, les boutons et la plaque des tubes ont été démontés (figure 5), puis la carcasse a été débarrassée des vis, bornes et prises diverses et le fil à section carré mis de côté.
Le coffret se trouva ainsi bientôt prêt pour la restauration et le relevé des cotes pour refaire l’arrière et le couvercle en fut plus aisé.
La plaque de supports des tubes s’était déformée, comportement habituel de l’ébonite au fil des ans. Les canons en laiton ont été démontés en premier, puis passés à la brosse métallique rotative, avec ensuite une petite injection de WD 40®, puis essuyés. 
La plaque d’ébonite a été nettoyée au Miror® et une cornière en aluminium a été fixée sur le côté afin de la redresser tout en la renforçant.
Deux petites plaquettes de bakélite ont été ensuite montées à l’intérieur du coffret, de chaque côté, pour la recevoir (figure 6).

Figure 5 plaquette tubes

Figure 5

Figure 6 plaquette tubes et fixations

Figure 6

Les condensateurs variables ont été dépoussiérés, puis brossés avec une brosse métallique extra fine, les flasques et les lames ont été délicatement nettoyés avec un chiffon humide, puis les axes ont été lubrifiés.
La continuité électrique des rhéostats a été vérifiée en premier lieu, le chemin du curseur présentant une sévère oxydation, a été légèrement abrasé puis nettoyé.
Les boutons, une fois séparés de leur vis de serrage, ont pris un bon bain dans l’eau additionnée de liquide vaisselle, puis efficacement brossés avec une vieille brosse à dents (figure 7).
Les vis moletées et leur embase ont été passées à la brosse métallique, puis légèrement vaporisées de vernis incolore pour métaux, en épargnant les faces en contact.
Les étiquettes en aluminium fortement corrodées, dont l’inscription était à peine lisible, n’ont été que légèrement brossées, juste assez pour ôter la poussière et la couche d’alumine qui les recouvraient.

Figure 7 boutons

Figure 7

Les quelques trous indésirables de la face avant ont été rebouchés par l’intérieur, avec du mastic pour carrosseries automobiles, en prenant la précaution de coller de la bande adhésive côté extérieur, afin d’empêcher le débordement vers l’extérieur.
Celle-ci a ensuite été nettoyée à l’eau savonneuse, puis au Miror. 
A ce niveau, la résine des quelques trous rebouchés a été peinte en noir avec un tout petit pinceau. On aurait pu aussi bien exécuter ce travail délicat avec une allumette dont on aurait écrasé l’extrémité.
Une fois tout cela bien sec, un passage à la « popote des antiquaires » avec un chiffon doux a donné le résultat attendu, puis les morceaux de fil carré ont été détordus et dévrillés entre les mâchoires d’un étau, puis seulement nettoyés avec un chiffon imbibé d’alcool ou de white-spirit, pas de ponçage qui aurait compromis l’aspect ancien (figure 8).

Figure 8 le fil

Figure 8

 

Ebénisterie :

Le couvercle et l’arrière ont été découpés dans des morceaux de coffret d’une ancienne TSF, puis passés au papier de verre, nettoyés et teintés au brou de noix (figure 9). Une fois secs, les deux panneaux ont été réunis avec deux charnières en laiton. Le restant du coffret a subi les mêmes opérations, puis la plaque de support des tubes et la face avant ont été remontées.

Figure 9 decoupe ar et couvercle

Figure 9

 

Les composants et le câblage:

Il s’agissait d’approvisionner Tr1, C1, R1, C2, R2, C3 et R3.
Je possédais un transformateur de liaison de rapport 1/3 , un modèle Brunet dont les fixations devait être adaptées pour le montage sur le fond du coffret. Les autres composants provenant de récupération ont été vidés de leur substance afin de leur implanter un composant moderne (excepté C1), voir les figures 4 et 10.
Les condensateurs variables, les rhéostats, le transformateur et les bornes avec leur étiquette ont été remontés (figure 11).
Pour entreprendre ce câblage, sans soudure afin de conserver le style, qui se révéla long et fastidieux, je dus employer l’outillage suivant :
-Clés à tube long et clés plates de 5 et 6 mm.
-Pince plate pour couder le fil. 
-Pince ronde pour faire les œillets pour les vis de fixation.
-Pince coupante.
-Vis et écrous laiton au filetage ancien SI (récupérées pour une partie).
-Rondelles plates et rondelles indesserrables anciennes.
  
Figure 10 les composants 
Finitions :

Une fois ce câblage terminé et vérifié, que l’on peut voir sur les figures 12 et 13, le poste qui a été essayé avec des tubes triodes A409 et B406 sur antenne extérieure de 20 mètres de long associée à une bonne prise de terre, a fonctionné du premier coup, avec les résultats escomptés avec ce genre de montage ; ce qui nous rappelle que nos ancêtres devaient faire preuve de patience pour écouter la TSF!
Avec des bobines en nids-d’abeilles de 250 spires pour L1, 125 spires pour L2 et 200 spires pour L3, RTL et la BBC ont été correctement reçues (figures 14 et 15).

Il ne restait plus qu’à ôter les tubes et fixer avec de petites vis à bois en laiton à tête fraisée, la face arrière avec le couvercle, puis de passer sur l’ensemble une couche de vernis, poncer très fin une fois sec et passer une seconde couche. C’est terminé, voir ce miraculé sur les clichés des figures 16 et 17, modeste témoin de l’époque de la TSF des années 20, qui me plaît bien et qui va agrémenter ma petite collection, 

 

 

     

                    Figure 10

 

Figure 76

 Figure 11

Figure 77

Figure 12

 

Figure 78Figure 13

 

Figure 79

Figure 14

Figure 80

Figure 15

 

Figure 81

Figure 16

 

Figure 82

Figure 17

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Date de dernière mise à jour : 06/01/2023

Commentaires

  • Poézévara Christian
    • 1. Poézévara Christian Le 26/08/2022
    Bonjour Daniel,
    alors la CHAPEAU ! j'ai rénové bons nombres de magnétophones à tubes tous types de supports magnétiques et quelques postes TSF, mais la partir de si peu et arriver à un tel résultat est tout bonnement incroyable, c'est un travail d'archéologue que vous avez fait la. Félicitations!
    Heureusement qu'il y a des passionnés comme vous pour conserver l'histoire de la TSF
    • maignan-daniel
      • maignan-danielLe 27/08/2022
      Bonjour, Merci

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