La contre réaction
La contre réaction ou retro action
Le principe de la contre réaction a été mis au point par Harold Stephen Black en 1927 aux laboratoires Bell.
Bien que de nombreux ouvrages ou articles sur le net abordent ce sujet dans la littérature technique, les grandes lignes du principe et des applications de la contre réaction sont rappelées ici. Ce procédé consiste à ramener une partie de l’énergie de sortie d’un amplificateur en opposition de phase sur l’entrée. Cette composante du signal de sortie se retranchant de la tension d'entrée, il en résulte que le gain de l’amplificateur devient plus faible, mais celui-ci acquiert alors de nouvelles propriétés intéressantes.
A quoi sert la contre réaction :
C’est un moyen remarquable de réduire efficacement la distorsion, mais pas seulement.
En ramenant à l'entrée de l’amplificateur une portion du signal de sortie en opposition de phase, il se produit:
- Une diminution générale de l'amplification.
- Une disparition quasi totale de tout ce qui ne se trouvait pas dans le signal d'entrée.
- Un lissage du gain en fonction de la fréquence audio.
Les distorsions générées par l’amplificateur lui-même sont soustraites au signal d’entrée. De cette façon, l’amplificateur amplifie une image réduite et inversée des distorsions. La contre réaction permet aussi de compenser les dérives thermiques ou la mauvaise linéarité des composants actifs qui, bien qu’ils soient considérés comme linéaires sur une partie de leur fonction de transfert, présentent est en réalité une fonction souvent exponentielle, ce qui provoque de la distorsion.
On estime qu’un amplificateur bien conçu sans contre réaction, peut atteindre au mieux un taux de distorsion de l’ordre de 1% qui sera réduit à 0,01 %, voire moins, grâce à la contre réaction.
Contre réaction de tension ou d'intensité :
La figure 1 représente schématiquement un amplificateur avec une contre réaction.
Figure 1
La tension fournie par le générateur G n’est pas entièrement délivrée à l’entrée, car il faut retrancher la fraction servant de contre réaction qui provient du circuit de sortie et qui peut être obtenue de plusieurs façons.
Considérons, par exemple, la figure 2. Cette tension est une fraction de la tension de sortie prise sur un diviseur de tension constitué par les deux résistances R1 et R2. Elle est donc égale à : Vr = Vs x R2/(R1 + R2). Il s’agit d'une contre réaction de tension.
Figure 2
Reportons-nous à la figure 3 dans laquelle la résistance de contre réaction R est en série avec l'impédance de charge. Celle-ci étant parcourue par le courant de sortie Is, il en résulte que la tension de contre réaction est : Vr = R x Is. Elle est donc proportionnelle à l'intensité du courant de sortie, il s'agit donc d'une contre réaction d'intensité.
FFigure 3
Différence entre les deux méthodes :
Si l'on considère la réduction de la distorsion, les deux types de contre réaction sont équivalents. Mais les résultats sont très différents en ce qui concerne la modification de l’impédance de sortie de l'amplificateur.
Supposons que l'impédance d'utilisation est un haut-parleur. On sait que son impédance augmente avec la fréquence et que sur certaines fréquences se produisent des résonances mécaniques parasites qui se traduisent électriquement par des augmentations de l’impédance. Ces phénomènes engendrent d’importantes variations de tension aux bornes du haut-parleur.
a) Cas d’une contre réaction de tension :
Il en résulte une augmentation de la contre réaction et l’effet de résonance est atténué, voire supprimé si le taux r et élevé..
b) Cas d’une contre réaction de courant :
L'augmentation d'impédance due à la résonance se traduit par une diminution de l'intensité qui la traverse. La tension de contre réaction qui est proportionnelle à cette intensité devient ainsi plus faible et il en résulte une augmentation du gain de l'amplificateur. En conséquence, l'effet de résonance s’accroît, ce qui est évidemment préjudiciable.
D’un point de vue qualitatif, on peut dire que dans le premier cas, la réaction négative tend à maintenir constante la tension fournie par l'amplificateur, alors que dans le second cas, c'est l'intensité qui est maintenue constante.
La contre réaction de tension a donc pour effet de réduire le gain de l’amplificateur et d’atténuer les variations d’impédance de la charge du haut-parleur. En d’autres termes, en réduisant l’impédance dynamique interne de l’amplificateur, elle tend à délivrer une tension constante au haut-parleur et amortit ainsi ses résonances parasites. C’est donc vers ce procédé que se sont orientés les dispositifs de contre réaction, donc une idée de l’action est illustrée en figure 4.
Figure 4
La contre réaction d’intensité a cependant son utilité dans certains systèmes nécessitant une régulation de courant d’induction, par exemple. Elle est également souvent présente dans nos montages radio ou audio, comme nous le verrons plus loin.
Remarques importantes qui peuvent être utiles :
Il est essentiel de faire quelques remarques qui sont d’une importance capitale pour la mise au point des amplificateurs à contre réaction.
On pourrait admettre que les améliorations apportées par la contre réaction deviennent théoriquement de plus en plus grandes à mesure que le taux r augmente, mais il n’en est rien dans la pratique, car :
- Augmenter la contre réaction, c'est diminuer le gain. Or, la première vertu d'un amplificateur c'est d'amplifier.
- En fait, un taux de contre réaction excessif donne en définitive de mauvais résultats. En effet, si le déphasage de 180° entre les tensions d'entrée et de sortie est bien réalisé aux fréquences audio moyennes, la rotation de phase, en particulier due aux liaisons par condensateurs et présente pratiquement dans tout amplificateur, rend la réaction de moins en moins négative à mesure qu'on s'écarte du centre de la bande passante de l'amplificateur, ce qui peut résulter a contrario en une augmentation du gain et de la distorsion.
- Encore pire, il se peut que la réaction change complètement de signe et devienne positive, transformant l’amplificateur en oscillateur.
- Garder à l’esprit que la contre réaction n'augmente pas la puissance maximum que peut fournir un amplificateur. Le procédé permet de diminuer la distorsion, dans la mesure où l'amplificateur ne fournit qu'une fraction de sa puissance maximum. A mesure que la puissance fournie se rapproche du maximum, l'avantage présenté par la contre réaction diminue et la situation s'inverse même pour une certaine puissance, voir la figure 5 qui correspond à un amplificateur pouvant fournir une puissance modulée d'environ 6,5 W avec un taux de distorsion de 10 %. On voit en comparant les deux courbes que l'amélioration est considérable, mais seulement pour les puissance modérées.
Figure 5
Contre-réaction dans l'étage final :
Considérons un amplificateur tout à fait classique (figure 6), avec les valeurs indiquées sur le schéma, le tube EL84 peut fournir environ 4,2 W modulés avec une distorsion de 10 % sur une impédance de charge égale à 7000 Ω .
Figure 6
C'est toujours dans l'étage final BF que se produit la distorsion car le niveau des signaux est important, de plus de 100 V crête à crête sur l’anode. C’est bien entendu dans cet étage qu’on la retrouve dans nos postes de radio, sous plusieurs formes:
a) Une contre réaction d'intensité fort simple :
Pour les tubes de puissance avec une polarisation automatique, la résistance de cathode (R6) est découplée par un condensateur (C5) de façon à ne pas réduire le gain en alternatif. Si au contraire la résistance est seule, on obtient une contre réaction d’intensité. Avec cette configuration parfois utilisée, le taux de contre réaction r sera approximativement égal au rapport R6/Zs soit 3%.
b) Une contre réaction de tension simplifiée :
Les tensions alternatives présentes sur la grille et l’anode sont en opposition de phase (180°), il suffit d’ajouter R7 en série avec C1 pour introduire une contre réaction, tout en bloquant la composante continue (figure 7). On peut simplifier encore en connectant la résistance directement sur l’anode du tube préamplificateur (figure 8).
Figure 7
Figure 8
c) Contre réaction englobant le transformateur de sortie :
Dans les montages précédents, le transformateur du haut-parleur, qui est toujours une importante source de distorsion, n'est pas complètement inclus dans la boucle. Avec le montage classique de la figure 9, la tension de contre réaction est prélevée sur l’enroulement secondaire du transformateur et appliquée au tube entre la cathode et la masse.
Pour éviter d'introduire dans le montage une contre réaction d'intensité, il faut que la résistance R2 demeure faible par rapport à R6. Noter que le sens du branchement sur le transformateur doit être bien choisi afin d’avoir le déphasage de 180°.
Figure 9
Résistance interne et impédance de charge :
L’introduction d’une contre réaction se traduit par une diminution de la résistance interne et du coefficient d'amplification du tube de puissance ; ces deux paramètres sont pratiquement divisées par le produit r x K, K étant le coefficient d'amplification du tube.
Prenons le cas d'un tube EL84. Sa résistance interne est de 40000 Ω avec un coefficient d'amplification de 400 dans les conditions d'emploi normales. Avec un taux r de 10 %, le facteur r x K est égal à 40. Il en résulte que l'application de la contre réaction nous met en présence d'un tube virtuel dont la résistance interne n'est plus que 40000/40, soit 1000 Ω et le coefficient d'amplification de 10.
Ces nouveaux paramètres ne sont plus ceux d'un tube penthode, mais ceux d'une triode. La comparaison entre la caractéristique de transfert Ia = f(Vg) réelle du tube et celle du tube fictif calculée en tenant compte de la tension de contre réaction appliquée à l’entrée, montre une parfaite linéarisation de la courbe primitive, d’où une distorsion réduite.
Contre réaction d’écran : le fameux montage ultra linéaire :
Le montage dit ultra linéaire, que les adeptes de haute fidélité mettent en avant, n'est rien d’autre qu'une contre réaction de tension appliquée à la grille écran.
La grille écran a un contrôle réduit sur le courant électronique, il faut donc apporter une tension de contre réaction importante issue directement d’une prise intermédiaire sur le transformateur de sortie. Ainsi l’enroulement a deux fonctions, fournir la tension continue d’écran à laquelle se superpose la tension alternative de contre réaction.
Le taux de contre réaction augmente quand la prise écran se rapproche de l’anode et le tube devient une triode lorsque les deux électrodes sont reliées.
Epilogue :
Avec ce modeste article, dont le but était de montrer l’intérêt de la contre réaction, nous n’avons fait qu’effleurer un vaste et intéressant sujet qui pourrait à lui seul faire l’objet d’un ouvrage de plusieurs centaines de pages.
Bibliographie : La Pratique de la contre réaction par Lucien Chrétien ingénieur E.S.E. RP N°138 de 1959
Electronique Tome 1 de Michel Rostagnat Professeur Principal à l’ECE (1962)
Un grand merci à eux !
Daniel Maignan septembre 2022
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Date de dernière mise à jour : 29/09/2022
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