Construisez un Rx à super réaction
Par Daniel Maignan/F6HMT
La super réaction se caractérise par une sensibilité surprenante grâce à un gain très important qui peut approcher le million (106).
Son principe, inventé par E.H. Armstrong qui déposa le brevet en 1922, repose sur l’augmentation du taux de réaction au delà de l’accrochage afin de bénéficier pleinement du système, d’où son nom de super réaction.
Avant de faire chauffer le fer à souder, attardons nous quelques instants sur l’étude qualitative de ce procédé astucieux.
Préambule : la réaction
Le cœur d’une grande partie des circuits utilisés en haute fréquence est le circuit oscillant que forment un condensateur C et une inductance L connectés en l’occurrence en parallèle.
Ce circuit n’étant pas parfait, présente des pertes d’énergies variées dont la somme se matérialise par une résistance placée en série ou en parallèle dans le circuit. Plus les pertes sont élevées et plus élevée sera la résistance série, ou plus faible sera la résistance parallèle.
A ce niveau, la grandeur qui caractérise ce circuit est le facteur de qualité Q, inversement proportionnel aux pertes du circuit.
Il y a donc deux paramètres importants identifiant un circuit LC: sa fréquence d’oscillations libre et son facteur de qualité Q.
On évalue la qualité du circuit en exprimant le fait qu’il est plus ou moins amorti, en d’autres termes plus le Q est faible, plus il est amorti et plus la bande passante est large.
Quantitativement, la bande passante B à 3 dB d’un circuit dont Fo est la fréquence centrale, est liée au facteur de qualité par la formule suivante :
B3dB = Fo/Q
Pour notre sujet, une quatrième grandeur, directement liée à la bande passante doit être évoquée. Il s’agit de la constante de temps du circuit.
Plus la bande passante du circuit est faible (et plus le Q est élevé), plus la constante de temps θ du circuit est élevée.
Cette dernière est liée à la bande passante par la relation suivante:
θ = 1/ π. B3dB
La détectrice à réaction :
Techniquement la réaction, qui permet d’accroître à la fois l’amplification et la sélectivité, compense les pertes du circuit accordé et réduit de ce fait l’amortissement.
Examinons le schéma avec un tube qui est donné en exemple sur la figure 1.
Le gain d’amplification est égal à G. Le signal de sortie est donc le produit du signal d’entrée multiplié par le gain:
Vs = - GVe
Le procédé de la réaction consiste à renvoyer sur l’entrée, une fraction 1/n du signal de sortie GVe en phase, les enroulements de L1 et de L2 étant opposés, pour amener l’amplificateur juste à la limite de l’accrochage.
Cette tension GVe/n est amplifiée une deuxième fois et produit dans le circuit anodique une nouvelle tension G² Ven dont une nouvelle fraction G² Ven² est à son tour renvoyée sur l’entrée, et ainsi de suite...
Bien que l’entrée en oscillations n’aie pas lieu (G/n doit être légèrement inférieur à 1), le signal d’entrée est amplifié un nombre de fois d’autant plus grand que n est proche de 1.
Cependant, le réglage assez critique doit pouvoir être effectué aisément et avec souplesse.
Tout se passe comme s’il n’y avait pratiquement plus de pertes dans le circuit d’accord et le gain du montage s’accroît considérablement.
Puisque les pertes sont presque annulées, le facteur de qualité augmente et l’ensemble devient plus sélectif.
Figure 1 – Exemple de poste à réaction
Le couplage entre L1 et L2 est variable dans le but de doser la réaction.
Dans cette configuration, le tube a les trois fonctions suivantes :
- Amplificatrice à réaction.
- Détection par la grille.
- Amplification du signal audio.
En pratique, la réaction peut être obtenue par le couplage optimum de deux inductances, la variation d’une capacité ou bien encore le réglage d’un potentiomètre.
Pour recevoir un signal modulé en amplitude, le réglage de la réaction doit être positionné juste avant l’accrochage, mais pour la télégraphie et la BLU, il est nécessaire de provoquer l’oscillation afin d’avoir le battement requis avec le signal incident pour obtenir la démodulation.
La super réaction:
Le signal reçu est amplifié un nombre de fois plus important qu’avec la réaction classique, puisque dans ce cas le montage oscille. L’astuce consiste à le pourvoir d’un dispositif de découpage de l’alimentation qui laisse l’oscillation démarrer, tout en empêchant sa stabilisation finale. En effet, lorsqu’on met un oscillateur sous tension, le niveau de l’oscillation croit d’abord exponentiellement avant d’atteindre son équilibre.
Reportons nous aux courbes de la figure 2.
La courbe inférieure représente la montée en tension de l’oscillateur seul, sans signal d’entrée, ou avec un signal très faible. L’entrée en oscillation va se produire principalement grâce à l’amplification du bruit thermodynamique aléatoire de quelques µV généré par les composants, ce qui produit des démarrages irréguliers avec des niveaux variables comme représenté sur la figure 3, c’est le souffle caractéristique du récepteur avec un signal d’entrée inexistant ou très faible.
Dès qu’un signal incident avec une fréquence proche de celle du circuit d’accord se présente, le démarrage de l’oscillateur se synchronise sur ce dernier en fournissant une tension qui va le reproduire approximativement, y compris avec sa modulation.
N’est-ce pas fantastique?
Figure 2
Observons à nouveau les deux courbes de croissance de la figure 2.
La courbe inférieure correspond à la croissance à partir du bruit, sans signal et la supérieure avec un signal incident plus conséquent. On s’aperçoit que le temps où la différence entre la coissance de référence sans signal de départ et la croissance avec le niveau important est la plus grande se trouve à t1. La différence est due à la croissance exponentielle des signaux et l’exploitation du point t1 générera une amplification considérable. La fréquence de découpage est constante comme sur la figure 3, dans ce cas l’oscillation est interrompue en t1. C’est le procédé de super réaction de E.H. Armstrong.
Figure 3
Les courbes de la figure 4 sont identiques à celles de la figure 2, mais illustrent un procédé d’exploitation différent, tel que l’ont suggéré Fromy et Flewelling, en montrant que le signal apparaît d’autant plus tôt que le signal incident est important.
Le retard entre les deux courbes pour une valeur donnée a est proportionnel au rapport des amplitudes des signaux de départ. On laisse le signal atteindre la saturation et on règle les paramètres de sorte que le dispositif actif se bloque afin que l’oscillation disparaisse. Puisque la montée est exponentielle, le retard τ varie comme le logarithme des différences d’amplitude. Les oscillogrammes de la figure 5 prélevés sur la maquette de notre récepteur montrent bien le découpage et l’interruption de l’oscillation, puis sa reprise avec une croissance exponentielle, “freinée” cependant par la diminution progressive de la transconductance du transistor (voir le schéma de la figure 6). Le signal de sortie est alors découpé par des impulsions à rapport cyclique et fréquence variables. Les impulsions les plus longues correspondent aux signaux incidents les plus faibles.
En d’autres termes, l’apport d’énergie au circuit oscillant est plus important et le gain est plus élevé pour les signaux faibles, ce qui en fait un montage particulièrement bien adapté à ces conditions, mais qui exhibe toutefois une distorsion importante.
Figure 4
Figure 5 – Oscillogrammes de l’oscillation et du découpage sur 103 MHz (-80 dBm sans modulation sur
l’entrée) A gauche: 5 µs/cm et à droite 1 µs/cm.
La description qui va suivre met à profit ce procédé dans lequel le réglage de la réaction modifie la fréquence du découpage. Un filtrage efficace doit éliminer la tension résiduelle du signal de découpage dont la fréquence doit se situer bien au dessous de celle du signal reçu et au delà du spectre audible. On adopte en général un rapport minimum de 100 entre les deux.
Ainsi en considérant une fréquence minimale de découpage égale à 15 kHz, la fréquence de fonctionnement minimale d’un poste à super réaction est de 15 x 100 = 1,5 MHz.
Ce montage ne fonctionne donc qu’à partir et au-delà des ondes courtes.
Réalisation pratique:
Figure 6 - Le schéma
Ce récepteur couvre les VHF de 80 à 160 MHz environ en changeant les valeurs de L et C et fonctionne en AM et en FM.
Examinons le schéma de la figure 6:
- Le courant VHF d’antenne est amplifié par le transistor J310 (T1) en configuration gate commune, cet étage empêchant également les oscillations de remonter vers l’antenne.
- Le transistor J310 (T2) est également en configuration gate commune. Le drain est chargé par un circuit oscillant formé de l’inductance imprimée L dont la valeur est modifiable à l’aide d’un strap et qui est accordée par une diode à capacité variable BB109 (D1) en série avec un condensateur C. L’ensemble oscille grâce au petit condensateur C3 qui renvoie sur l’entrée, en faisant tourner la phase de π (180°), une faible quantité du signal de sortie.
- Lors de la réception d’un signal, la fréquence de l’oscillation “s’accroche” sur celui-ci et son amplitude croît exponentiellement.
- Ainsi le courant source de T2 développe une tension V aux bornes de la résistance R4 qui augmente. Le condensateur C6 se charge à une valeur V = V1, avec un retard fixé par la constante de temps C6/RP3. Pour une certaine valeur de V= V2, la transconductance (pente) de T2 qui s’affaiblit à mesure que V augmente, provoque l’arrêt de l’oscillation.
- Puis cette tension V décroît et C6 se décharge dans R4 et le cycle redémarre lorsque la transconductance atteint à nouveau une valeur suffisante, et ainsi de suite...
- On retrouve sur la source de T2 le signal VHF découpé qui contient sa composante de modulation. Le réseau passe-bas est chargé d’éliminer la haute fréquence et le signal de découpage.
- Le signal démodulé est ensuite appliqué après filtrage à l’amplificateur BF LM386 (U1) chargé par un haut-parleur de 8 Ω.
Mise en œuvre :
Vérifier la qualité des composants qui vont être utilisés.
Ce montage fonctionne en très hautes fréquences et par conséquent les connexions entre les différents éléments doivent être courtes, ce dont il a été tenu compte lors de la conception du circuit imprimé. Les figures 7, 8, 9 et 10 montrent, respectivement, l’emplacement des composants, la carte câblée, la carte montée sur un petit châssis et la face avant du châssis avec les trois potentiomètres.
Liste composants (30 Ko)
Figure 7 – Placement des composants
Figure 8– CI câblé
Figure 9 – Carte sur châssis
Figure 10 – Face avant
L’alimentation de 15V doit être stable. A la mise sous tension, vérifier au pieds de L (sur C8), la tension d’alimentation du circuit drain de T2. Le tableau ci-dessous mentionne à titre indicatif les positions du strap de L représentées en pointillés sur la figure 11 et la valeur de C à utiliser selon la bande d’écoute désirée.
Sans signal d’entrée, en tournant le potentiomètre RP1 vers la droite, un souffle important ressemblant au bruit d’une chute d’eau doit s’entendre, preuve de la présence du signal de découpage. Pour contrôler éventuellement l’oscillateur, supprimer le découpage en réduisant la valeur de R4 à 1 kΩ et vérifier que le montage oscille bien en VHF.
En connectant un générateur à l’entrée, vérifier également que le circuit oscillant s’accorde bien sur la fréquence incidente et que l’oscillateur suit.
Figure 11 – Straps de L
Le potentiomètre RP3 sera ajusté pour d’obtenir la meilleure qualité de réception.
Utiliser une antenne courte avec descente coaxiale 50 ou 75 Ω. Une antenne ¼ d’onde centrée sur la bande à écouter est une bonne solution.
La réception des stations FM est très confortable, en se calant sur le flanc de la courbe de sélectivité. Bien entendu la qualité audio est inférieure à celle délivrée par un tuner.
On peut écouter au dessus de la bande FM tout le trafic intermittent en AM de l’aviation civile et les canaux de la VHF marine au dessus de 150 MHz devraient être reçus également sur le littoral en réduisant L (*).
Ainsi se termine cette description dont la réalisation, simple et peu coûteuse, vous procurera à la fois satisfaction et plaisir à l’écoute.
Merci de me contacter pour le circuit imprimé ou bien pour des informations concernant les composants.
(*) Note : Le canal 16 qui est veillé par le CROSS (Centre Regional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) et dont la fréquence = 156,8 MHz, est le canal international de détresse.
A l'écoute de notre récepteur:
Radio FM:
Trafic aviation:
Daniel Maignan/F6HMT
Bibliographie :
- Article « Qu’est-ce que la super réaction ? » de Christian Maennel paru dans le Radiofil magazine N°10.
- L’Encyclopédie Pratique de la Radio (EPR)
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Date de dernière mise à jour : 24/05/2025
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