Un ampli d'émission en FM

 


Par Daniel Maignan/F6HMT

La modulation de fréquence fait partie de l’histoire récente de la radio. A cet égard, j’ai jugé intéressant de concevoir et de vous proposer cet amplificateur pour suivre le petit émetteur de radiodiffusion FM 88-108 MHz que j’ai décrit précédemment. 
Bien que l’on puisse trouver une quantité de schémas d’amplificateurs large bande à transistors, voire de modules prêts à l’emploi pour des prix modiques, je vous invite à monter cet appareil faisant appel aux techniques VHF à tubes, dans l’esprit des années 60. 


1) Description générale:

La figure 1 représente le schéma complet de l’appareil.
Celui-ci comprend trois étages dont le circuit anodique est accordé sur la fréquence d’émission : 

  • L’amplificateur de signal T1 (6CL6)
  • L’amplificateur driver T2 (12AT7) 
  • L’amplificateur final de puissance T3 qui est une double tétrode QQE 03/12. 

Les grilles de commande de l’étage driver et l’étage final sont polarisées par le signal d’entrée qui est redressé dans l’espace grille cathode. Grâce à un niveau de grande amplitude, on obtient sur les grilles du tube de puissance une tension très négative déterminant un régime de fonctionnement en classe C Article de l chretien sur la classe cArticle de l chretien sur la classe c .
Rappelons que dans ces conditions, celui-ci ne doit jamais fonctionner sans excitation, ce qui le priverait de polarisation. En raison de cette absence, le courant anodique des deux sections atteindrait une valeur prohibitive provoquant le rougissement et la déformation des anodes conduisant à une destruction rapide du tube.
En sortie, le signal est filtré par un double circuit passe-bas en ∏ réduisant le taux des harmoniques. 
Enfin un galvanomètre permet de mesurer les courants des grilles et des anodes du tube final, ainsi que la puissance délivrée, information obtenue grâce à une ligne de mesure.
L’alimentation externe devra fournir une haute tension de 250V filtrée et stabilisée d’une capacité de 200 mA , ainsi que la tension de chauffage de 6,3V sous 1,75A. La sortie HT devra être pourvue d’un fusible de 250 mA.

Figure 126

Figure 1 - Schéma 

2) Les circuits:

L’entrée attaque un transformateur sur tore ferrite de rapport 1:3 qui couvre toute la bande FM et dont le rôle est double : fournir au 6CL6 un signal dont la tension est multipliée par trois et présenter à la source d’entrée une impédance correcte et proche de 50 Ω. T1 est une pentode de puissance à pente élevée et faibles capacités internes, apte à fonctionner aux fréquences élevées. Son régime de fonctionnement est en classe A avec polarisation automatique par la résistance de cathode R3.
Le signal amplifié sur le circuit accordé CV1/L1 est transféré via un condensateur de 3,3 pF (C4) à la double triode 12AT7 qui assure la fonction d’amplificateur driver avec ses deux sections en parallèle. 
En sortie le signal est prélevé en basse impédance sur le circuit accordé CV2/L2 par un couplage à deux spires (L3), puis est véhiculé jusqu’au tube amplificateur final T3 par un petit câble coaxial 50 Ω. Cette disposition permet d’éloigner l’étage final de façon à éviter toute réaction intempestive.
Le tube QQE 3/12 couramment employé par le passé dans les équipements VHF à tubes de petite puissance est d’une conception mécanique robuste et pourvu d’un système de neutrodynage interne, ce qui permet une conception et une implantation aisées en push-pull avec circuits d’entrée et de sortie symétriques. 
L’inductance d’entrée L5 comporte deux enroulements bobinés sur un mandrin de 8 mm avec un noyau de réglage à chaque extrémité. On obtient l’accord avec les capacités d’entrée du tube. Au centre, la bobine primaire de couplage L4 induit le signal d’entrée qui, en raison de sa forte amplitude, génère les courants grille qui développent une tension négative par rapport à la masse aux bornes de la résistance R5.
Dans les circuits anodiques, l’inductance de sortie L6 qui s’accorde avec le condensateur papillon CV3, reçoit au point milieu l’alimentation, avec en son centre un espace dans lequel vient se loger la bobine de couplage de sortie L7. 
L’optimisation des réglages de sortie est obtenue par l’accord série de CV4 qui compense la réactance inductive de L7.
En fonctionnement normal, la haute tension est appliquée aux écrans à travers une résistance de 10 kΩ 2W (R11). Dans le but de limiter les courants anodiques durant l’accord des différents étages, en position réglage une résistance de 47 kΩ 2W est rajoutée en série dans le circuit. Celle-ci doit être ensuite court-circuitée par SW2 une fois les réglages terminés.
La sortie est connectée au filtre passe-bas, suivi de la ligne de mesure de la puissance.
Grâce aux résistances R6 et R8, on obtient des valeurs de tensions proportionnelles aux courants grille et aux courants anodiques de l’amplificateur. La puissance haute fréquence est mesurée dans une ligne couplée au câble 50 Ω en sortie. Chaque circuit de mesure sélectionné par le commutateur à 2 circuits 3 positions SW1, comporte un potentiomètre pour l’ajustage de la lecture dans la fenêtre du galvanomètre.

 
3) Réalisation :

L’approche du schéma électrique de ces trois amplificateurs en cascade est simple. Cependant, afin de mener à bien ce projet, un certain nombre de règles inhérentes au domaine des très hautes fréquences doivent être observées.
C’est la raison pour laquelle, mieux qu’un long discours, les plans recto et verso des figures 2 et 3 représentent l’implantation réelle et détaillée de tous les éléments de l’appareil, la disposition des trois tubes, l’emplacement des découplages avec les condensateurs de traversée, les traversées isolées et la position des bobines et des condensateurs etc.   

Figure 2 dessus platineFigure 2 - Plan du châssis vu de dessus 

Figure 3 dessous platineFigure 3 - Plan du châssis vu de dessous

Le châssis a été bâti avec des plaques de verre époxy de 16 mm à double face cuivrée, matériau simple à travailler et qui se soude aisément. Il est percé aux emplacements indiqués sur les plans, selon la dimension et le diamètre des pièces détachées disponibles. 
Un panneau en aluminium de 3 ou 4 mm percé pour le passage des axes des condensateurs, du commutateur et de l’inverseur, de la prise BNC d’entrée et de l’appareil de mesure, est fixé sur l’avant du châssis et les bornes d’alimentation et l’embase BNC de sortie se trouvent à l’arrière.


4) Les composants et les pièces détachées :

Voir la liste en annexe 1 et le brochage des trois tubes sur la figure 4.  

Figure 4 tubes

Figure 4 - Vue du brochage des tubes

Pour réaliser les inductances (ou selfs ou bobines), consulter le tableau ci-dessous. 
Les condensateurs variables CV1, CV2 et CV4 sont des ajustables en provenance de matériel de surplus et le condensateur papillon CV3 est issu d’un amplificateur VHF. Les flasques de ces condensateurs doivent être en porcelaine ou stéatite.
Les nettoyer au préalable avec un pinceau dans un bain de white-spirit ; vérifier les paliers des contacts, le centrage des rotors et redresser les lames qui peuvent être tordues. 

Tableau 1 des selfs

La figure 5 représente les bobinages d’entrée de l’amplificateur L4/L5 qui sont enroulés sur deux supports Lipa de 8 mm avec noyaux collés bout à bout. L4 est bobiné au centre entre les spires de L5. Les deux bobinages sont ensuite noyés dans la colle Araldite®. 
La figure 6 décrit la méthode de confection du bobinage du transformateur d’entrée Tr dont les enroulements sont repérés par les couleurs bleue, rouge et verte. 

Figure 5 vue l4 l5

Figure 5 - Aspect des bobinages d'entrée du PA 

Figure 6 condection trFigure 6 - Confection du transformateur d'entrée

Figure 7 filtre d harmoniquesFigure 7 - Photo du filtre d'harmoniques

Le filtre d’harmoniques est logé dans une boîte métallique, voir le cliché de la figure 7. 
La ligne de mesure (figure 8) est constituée d’un tronçon de 10 cm de câble 50 Ω auquel on a ôté la gaine isolante extérieure. La tresse métallique est ensuite légèrement détendue afin de faciliter le passage d’un fil émaillé de 40/100 qui servira de ligne de couplage.

Figure 8 ligne de mesureFigure 8 - Ligne de mesure

5) Le galvanomètre:

Choisir un microampèremètre d’une sensibilité de 100 ou 200 µA pleine échelle avec une résistance interne de 1000 Ω environ. 
Son rôle consiste à mesurer trois paramètres sur trois échelles différentes : la première graduée de 0 à 200 mA pour les courants anodiques, la seconde pour les courants grille de 0 à 5 mA et la troisième de 0 à 15 ou 20 watts.

Remarque importante : Pour la mise au point finale de l’amplificateur, la mesure des courants anodiques et grille devra être opérationnelle. 
Pour ce faire, voir la méthode de réalisation des échelles en annexe 2. 


6) Le câblage et la disposition: 

Comme susmentionné, le câblage est représenté sur les plans des figures 2 et 3, à l’exception des circuits de mesures laissés de côté afin de ne pas alourdir le dessin. Les lettres sur le schéma électrique de la figure 1 correspondent aux points de connexion du plan de la partie supérieure figure 2.
Selon les modèles (figure 9), les condensateurs de traversée et les traversées isolantes seront vissés ou soudés.
Les supports de tubes sont fixés avec des vis et écrous de 3 mm avec rondelles éventail à denture.

Figure 9 by pass et traverseesFigure 9 - Pièces détachées 

Figure 10 vue dessusFigure 10 – Cliché vue de dessus châssis

Figure 11 vue dessousFigure 11 – Cliché vue de dessous châssis

7) Réglage et mise au point :

Sécurité de la personne : 
Panneau 25

Lors des interventions et essais, il est indispensable de prendre toutes les précautions relatives à votre sécurité. En particulier, il ne faudra jamais intervenir dans le câblage lorsque le montage est sous la haute tension. 

 

Pour la mesure de la puissance, une charge 50 Ω 20W est nécessaire. Celle-ci peut être réalisée avec des résistances au carbone aggloméré ou avec une résistance spécifique prévue pour cet usage. 
L’idéal est de posséder un wattmètre Bird 43 avec le bouchon adéquat (figure 12) ou un voltmètre VHF inséré dans la ligne entre la sortie et la charge. 
Un analyseur de spectre permet également cette mesure en dB à travers un atténuateur de 20 ou 30 dB avec les fonctions « Signal track » et « Peak search ». lien charge et att. à venir.
Bien que la mesure en ligne soit préférable, à défaut il est possible de visualiser la tension du signal présent sur la charge avec une sonde :10 sur un oscilloscope 200 MHz et de calculer la puissance avec la formule P = Umax²/2R. 

Figure 12 bird 43 mesure 10wFigure 12 - Mesure de la puissance HF avec un BIRD 43 

Procédure de réglage:

  • L’amplificateur est hors tension.
  • Ôter le tube T3. 
  • Connecter le système de mesure de la puissance en sortie.
  • Connecter l’émetteur pilote à l’entrée, le mettre sous tension et le programmer sur 100 MHz
  • Mettre SW1 sur la position « Ig ».
  • Mettre SW2 sur « Réglages ». 
  • Connecter la sonde d’oscilloscope :10 sur le point chaud de L3. 
  • Mettre l’amplificateur sous tension, attendre 2 mn.
  • Régler CV1 puis CV2 au maximum de signal. 
  • Ôter la sonde de l’oscilloscope.
  • Mettre l’ampli hors tension.
  • Insérer le tube T3
  • Mettre l’ampli sous tension, attendre 2 mn.
  • Régler symétriquement les deux noyaux de L5 puis parfaire les réglages de CV1 et CV2 pour avoir une lecture maximale de Ig.
  • Mettre SW1 sur la position « Ia ».
  • Accorder l’étage final avec CV3 pour un maximum de puissance, on doit noter un creux de courant plaque à proximité du point de réglage de la puissance max.
  • Ajuster CV4.
  • Basculer SW2 et parfaire les réglages pour une puissance maximum. 
  • Régler les selfs du filtre d’harmoniques, en ajustant l’espace entre spires afin d’obtenir la puissance de sortie maximum, voir le cliché de la figure 8. Il est possible de régler le filtre au préalable.  

Une fois tous les réglages terminés on pourra tracer l’échelle de puissance du galvanomètre.
 


8) Mesures, commentaires et conseils :

(Conditions : VHT = 250V, F = 100 MHz, Pentrée = 80 mW) 

Tableau 2 

Tableau 2 des mesures 1

  • Les mesures de Ig et Ia de l’étage final de puissance (T3) sont données par le galvanomètre du panneau avant.
  • Les courants anodiques de T3 ne doivent pas excéder 110 mA. 
  • Pour le relevé des autres mesures de courant et de tension, ne pas utiliser un appareil numérique qui risque d’être perturbé par le rayonnement haute fréquence important, mais uniquement un modèle analogique (Metrix 460 ou autre).
  • La mesure de Vg1 sur T2 est réalisée avec une résistance de 100 kΩ à l’extrémité de la pointe de touche.


Mesures haute fréquence à 100 MHz :

  • Puissance de sortie mesurée sur un millivoltmètre URV R&S : 11 watts
  • Taux des harmoniques par rapport à la fondamentale mesuré sur un analyseur de spectre HP 8590a avec un atténuateur de 20 dB (20 W):  H2 = -65dB, H3 = -55 dB.

   Figure 13 face av 1

 Figure 13 – Cliché de la face avant

 (
    
9) Epilogue: 

Mon objectif est de partager ma passion avec les lecteurs qui s’intéressent à la radio, et plus particulièrement avec cette description, à la modulation de fréquence. 
Précisons que la propagation des ondes de très haute fréquence est différente de celle des grandes ondes et petites ondes, voire des ondes courtes. Ce domaine offre la possibilité de concevoir aisément des antennes dont les dimensions sont en rapport avec la longueur d’onde, donc dotées d’une efficacité supérieure.
Ainsi, dans un espace dégagé, une puissance de 10 watts rayonnés par Une antenne FM à plan de sol  (Ground Plane) assurera une diffusion confortable dans un rayon de plusieurs kilomètres. 
Je souhaite que cela incite nos adeptes à entreprendre cette réalisation et reste à leur écoute pour tout renseignement technique complémentaires ou questions concernant les composants (approvisionnement, etc.). 
Sachant que la puissance de sortie de cet amplificateur dépasse la limite légale autorisée, en l’absence d’agrément de l’administration, il est recommandé au possesseur de l'appareil, sous son entière responsabilité, de ne pas l'utiliser en permanence, mais seulement d'une manière intermittente, dans un cadre expérimental.

Daniel Maignan/F6HMT

Documentation: Cours d'électronique de l'ECE
                           
  Article de Lucien Chrétien sur les classes d'amplification

 

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Annexe 1 : liste des composants

Liste composantsListe composants (125.14 Ko)

 

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Annexe 2 : Appareil de mesure : réalisation des 3 échelles et des graduations, étalonnage. 

1) Démonter la plaquette du cadran de l’appareil, la scanner et utiliser les logiciels Paintshop Pro ou Photoshop pour la modifier. 
Conserver l’échelle d’origine, mais ôter les chiffres et symboles puis la copier. Réduire ensuite l’arc de cercle et le coller sous la première échelle. Renouveler l’opération pour la troisième échelle. Inscrire les unités mA et W, voir la figure 14.
Imprimer la nouvelle image, la découper, la coller sur la plaquette à la colle à papier (UHU®) et la remonter.

Figure 14 echelle galvaFigure 14 - Echelles du galva.


 
2) Le câblage de l’amplificateur est supposé terminé.
Le microampèremètre a un calibre de 100 ou 200 µA et une résistance interne de 1000 Ω environ.  

a) Exemple de l’étalonnage de l’échelle Ia avec un appareil µA de 100 µA :
Voir ci-dessous le schéma de la figure 15 qui représente le circuit de mesure de I
a

Figure 15 echelle iaFigure 15


On désire une valeur de mesure à pleine échelle de 200 mA.
I
a = IR8 + IµA = 200 mA = 199,9 mA + 0,1 mA 
Le courant dans µA est négligeable et on peut arrondir à Ia = IR8.
La tension développée aux bornes de R8 pour 200 mA est égale à V = 47 x 0,2 = 9,4V.  
L’ampli. est bien entendu hors tension.
Connecter le galvanomètre au circuit de mesure et positionner SW1 sur Ia.
Injecter une tension continue égale à 9,4V aux bornes de R8 en respectant les polarités et régler P1 pour amener l’aiguille sur la graduation maximum.

Tableau des marquages de l’échelle :
9,4V : 200 mA
7,52V : 160 mA
5,64V : 120 mA
3,76V : 80 mA
1,88V : 40 mA

 

b) Exemple de l’étalonnage de l’échelle Ig avec un appareil de 100 µA :
Voir ci-dessous le circuit de mesure de Ig sur la figure 16.  

Figure 16 echelle igFigure 16


On désire une valeur de mesure à pleine échelle de 5 mA.
Ig = IR6 + IµA = 5 mA = 4,9 mA + 0,1 mA 
La tension développée aux bornes de R6 pour 4,9 mA est égale à V = 220 x 0,0049 = 1,08V.  
Connecter le galvanomètre au circuit de mesure et positionner SW1 sur Ig.
Injecter une tension continue égale à 1,08V aux bornes de R6 en respectant les polarités et régler P2 pour amener l’aiguille sur la graduation maximum.

Tableau des marquages de l’échelle :
1,08V : 5 mA
0,86V : 4 mA
0,65V : 3 mA
0,43V : 2 mA
0,22V : 1 mA

c) Pour la puissance, la graduation sera faite à la fin avec un wattmètre ou par une mesure à l’oscilloscope 200 MHz (P = Umax/2R).
Une fois les graduations de l’échelle de puissance notées à la fin de la mise au point, les remettre au propre, soit sur l’image numérique, puis en refaisant une nouvelle copie, ou bien sur celle du cadran déjà collée. 


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Date de dernière mise à jour : 21/06/2024

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